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RESPONSABILITÉ DU DIRIGEANT POUR FAUTE SÉPARABLE DE SES FONCTIONS EN CAS DE CONCURRENCE DÉLOYALE



Par un arrêt récent du 7 septembre 2022 (pourvoi n°20-20.404), la chambre commerciale de la Cour de cassation retient que le dirigeant d’une société à l’origine du détournement d’informations confidentielles relatives à une société dont il était antérieurement salarié au profit de la société qu’il a créée après son départ commet une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales, et engage ainsi sa responsabilité personnelle de ce fait.


En l’espèce, l’ancien directeur commercial de la société Europe et Communication a quitté cette société en novembre 2007 pour créer une société concurrente, la société Enez Sun, en février 2008 dont il est devenu le gérant.


Reprochant notamment à son ancien salarié d’avoir détourné déloyalement des informations techniques et commerciales confidentielles dont il a fait bénéficier sa nouvelle société, permettant ainsi à cette dernière de réaliser des économies de frais d’étude, de recherche et de prospection de clientèle, la société Europe et Communication a assigné son ancien salarié et la société Enez Sun devant un tribunal de commerce pour obtenir réparation de son préjudice.


La Cour d’appel de Paris retient la responsabilité de la société Enez Sun sur le fondement de la concurrence déloyale, mais déboute la société Europe et Communication de ses demandes à l’encontre de son ancien salarié, dès lors qu’il « n’est pas justifié à compter de 2008 d’actes détachables de ses fonctions, incompatibles avec l’exercice normal de ses fonctions de gérant de la société Enez Sun de nature à engager sa responsabilité personnelle, ni de détournement à son profit ».[1]


Cette motivation est cassée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 7 septembre 2022, au motif que : [2]


« aux termes [de l’article 1382, devenu l’article 1240, du Code civil], tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il résulte [de l’article L.223-22 du Code de commerce] que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qu'il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. […]


En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [H] était à l'origine du détournement déloyal d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Europe et Communication dont il était antérieurement salarié, et que ce détournement avait été opéré au profit de la société Enez Sun, qu'il avait créée en février 2008 à la suite de son départ de la société Europe et Communication, faisant ainsi ressortir la commission intentionnelle d'une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ».


En effet, si rien n’interdit à un ancien salarié d’utiliser ses connaissances dans son nouvel emploi, ou de préparer une future activité concurrente de celle de son employeur tant que cette concurrence ne devient effective qu’après la rupture du contrat de travail (et que l’ancien salarié n’est pas tenu par une clause de non-concurrence), [3] la constitution d’une société concurrente dont l’ancien salarié prendrait la direction ne doit pas s’accompagner d’actes déloyaux, tels que l’appropriation d’informations confidentielles relatives à l’activité de précédent employeur. [4]


A défaut, la victime sera doublement fondée à agir contre son ancien salarié : sur le fondement de l’action pour concurrence déloyale d’une part, et sur le fondement de la faute séparable des fonctions de dirigeant d’autre part.


La faute séparable requiert cependant la démonstration d’un élément intentionnel, [5] contrairement à l’action pour concurrence déloyale,[6] et risque donc d’être plus difficile à caractériser.


En l’espèce, l’ancien salarié avait détourné frauduleusement des informations confidentielles relatives à l'activité de son précédent employeur, et avait utilisé ces informations au profit de la société nouvellement créée. La Cour de cassation n’a donc pu que considérer qu’il avait commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité et que sa responsabilité devait être engagée.


Ainsi, si le dirigeant n’est que le représentant de la société et que son action est donc en principe celle de la société, « l’écran » de la personne morale cesse lorsque la faute est telle qu’il ne saurait être considéré qu’elle a été réalisée par le dirigeant en qualité d’organe de cette dernière.


Roland RINALDO, avocat associé ARTLEX, droit commercial et droit économique


Simon BIENVENU, avocat collaborateur ARTLEX, droit commercial et droit économique



Cass. com., 7 septembre 2022, pourvoi n°20-20.404

[1] CA Paris, 13 mars 2020, RG n°16/20997 [2] Cass. com., 7 septembre 2022, pourvoi n°20-20.404 [3] Cass. com., 13 mars 2001, pourvoi n°99-11.178 [4] Cass. com., 8 février 2017, pourvoi n°15-14.846 [5] Cass. com., 20 mai 2003, pourvoi n°99-17.092 [6] Cass. civ. 1ère, 14 novembre 2013, pourvoi n°12-20.687

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