
Selon la Cour d’appel de Paris (4 mars 2022, n°20/13051), le respect de l’intégrité physique d’une œuvre n’oblige pas son propriétaire à faire appel à l’auteur de l’œuvre pour procéder à des travaux de restauration, ni à les effectuer sous le contrôle de l’auteur.
En l’espèce, entre 1900 et 1907, des tableaux représentant des villes desservies par la ligne Paris-Menton ont été peints sur la partie supérieure d’un mur de la salle des guichets de la Gare de Lyon à Paris.
En 1979, suite à un appel d’offres de la SNCF, un artiste a procédé à la rénovation de ces fresques ainsi qu’à la création d’une fresque sur une nouvelle partie du mur de la salle des guichets.
En 2008, la SNCF a lancé un nouvel appel d’offres pour effectuer des travaux de restauration des différentes fresques. Leur restauration a été confiée à une société tierce.
L’auteur initial des fresques, considérant être le seul qualifié pour assurer cette restauration, a engagé une action contre la SNCF devant le tribunal judiciaire de Paris. Selon l’auteur, la SNCF aurait fait preuve de négligence dans l’entretien de la fresque et n’aurait pas préservé l’intégrité physique de cette œuvre en faisant appel à des tiers pour procéder à sa restauration, ce qui constituerait une atteinte à son droit moral. Le tribunal judiciaire n’ayant pas fait droit à sa demande, l’auteur a formé appel.
La Cour d’appel a tout d’abord relevé que la fresque doit être qualifiée d’œuvre collective. L’auteur initial ayant engagé l’action est la personne physique sous le nom de laquelle l’œuvre a été divulguée et bénéficie donc de droits sur la fresque tel qu’un droit moral.
La Cour d’appel rappelle à cette occasion que même si le droit moral est imprescriptible, l’action fondée sur ce droit se prescrit selon les règles de droit commun à savoir par 5 ans à compter du jour où l’auteur a connu ou aurait dû connaître l’existence de l’atteinte.
Enfin, la Cour d’appel considère que la SNCF n’avait aucune obligation, ni légale, ni contractuelle, de faire appel aux services de l’auteur pour restaurer la fresque. Il découle effectivement du respect de l’intégrité de l’œuvre, une obligation d’entretien de cette dernière incombant au propriétaire de l’œuvre, mais cette obligation ne peut entrainer celle « de la faire entretenir par l’auteur lui-même, ni même sous son nécessaire contrôle ». L’auteur peut toutefois demander réparation en cas d’atteinte à l’intégrité de l’œuvre en raison « d’une rénovation inappropriée » mais il devra rapporter la preuve de cette atteinte. Or, en l’espèce, l’auteur ne rapporte pas d’élément établissant que la restauration effectuée par une société tierce a dénaturé la fresque.
Carole COUSON-WARLOP, avocate associée, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Morgane SOUFFEZ, Juriste droit de la propriété intellectuelle
#Propriétéintellectuelle #droitmoral #droitd'auteur #intégritéphysiquedel’œuvre #décisiondejustice #Artlexvousinforme
Opmerkingen