
Dans la continuité des lois EGalim 1 et 2, la proposition de loi dite « EGalim 3 » vient d’être définitivement adoptée le 22 mars 2023 par l’Assemblée nationale. Ce texte « tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs » a fait l’objet de plusieurs réécritures et a essuyé de vives critiques, notamment de la part de la grande distribution. Les principales nouveautés sont les suivantes :
● Encadrement des promotions : prolongation et extension aux PGC
La mesure relative à l’encadrement des promotions en valeur et en volume, qui était jusqu’ici réservée aux produits alimentaires et aux produits destinés à l’alimentation des animaux, est non seulement prolongée jusqu’au 15 avril 2026 mais elle s’étendra aux produits de grande consommation à compter du 1er mars 2024. Les consommateurs ne bénéficieront donc plus de promotions dépassant le seuil des 34 % pour les produits d’hygiène et d’entretien notamment.
● Relèvement de 10 % du seuil de revente à perte : prolongation et exclusion des fruits et légumes
La loi prolonge le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie jusqu’au 15 avril 2025 et exclut de ce dispositif les fruits et légumes.
En outre, les distributeurs devront remettre au Gouvernement un document établissant le surplus de chiffre d’affaires dû au relèvement de 10 % du seuil de revente à perte.
● Absence d’accord au 1er mars : encadrement des conséquences et alourdissement des sanctions
En l’absence d’accord au 1er mars entre fournisseur et distributeur, le fournisseur ne sera plus contraint de vendre ses produits aux conditions négociées l’année précédente. Il pourra soit mettre fin à la relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier ne puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale, soit demander l’application d’un préavis de rupture tenant compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.
En cas de désaccord entre les parties sur les conditions du préavis, une procédure de médiation pourra être engagée jusqu’au 1er avril. Si les parties parviennent à un accord dans ce délai, le prix convenu s’appliquera rétroactivement aux commandes passées durant la médiation. En l’absence d’accord à l’issue de la médiation, la relation pourra être rompue sans possibilité d’invoquer la rupture brutale.
Concernant les sanctions prévues en cas de non-respect de l’établissement d’une convention au 1er mars, elles sont désormais alourdies pour les conventions relatives aux produits de grande consommation : l’amende encourue passe à 200.000 € pour une personne physique et 1.000.000 € pour une personne morale (montants doublés en cas de réitération) alors qu’elle reste limitée à 75.000 € pour une personne physique et 375.000 € pour une personne morale pour les autres produits.
● Pénalités logistiques : renforcement des règles applicables
La loi EGalim 3 encadre davantage les obligations en matière de logistique :
- elle impose aux parties de formaliser une convention écrite distincte pour encadrer les obligations réciproques en matière de logistique, cette convention pouvant être conclue à tout moment de l’année contrairement à la convention principale qui doit être conclue avant le 1er mars.
- elle interdit d’infliger des pénalités logistiques dépassant le plafond de 2 % de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution a été constatée.
- elle interdit d’infliger des pénalités qui concernent des inexécutions survenues plus d’un an auparavant.
- elle impose au distributeur de transmettre au fournisseur la preuve du manquement et du préjudice subi en même temps que la transmission de l’avis de pénalité logistique.
- elle impose au distributeur ou au fournisseur infligeant des pénalités logistiques de communiquer, au plus tard le 31 décembre de chaque année, les montants des pénalités logistiques infligées au cours des douze derniers mois ainsi que les sommes effectivement perçues. Les distributeurs doivent en plus communiquer, avant le 31 décembre 2023, les montants des pénalités logistiques infligées à leurs fournisseurs en 2021 et 2022, ainsi que les sommes effectivement perçues. En cas de manquement à ces obligations, une amende administrative de 75.000 € pour une personne physique et 500.000 € pour une personne morale est encourue (montants doublés en cas de réitération).
- elle permet la possibilité de suspendre exceptionnellement par décret l’application des pénalités logistiques, pour une durée maximale de 6 mois renouvelable, si des chaînes d’approvisionnement sont gravement affectées et si la cause est extérieure aux distributeurs et fournisseurs.
● Interdiction des discriminations : extension à tous les produits
L’interdiction des discriminations, qui figure parmi la liste des pratiques restrictives de concurrences visées à l’article L. 442-1 I 4° du Code de commerce, s’applique à tous les produits, alors qu’elle concernait jusqu’ici uniquement les produits alimentaires et ceux destinés à l’alimentation des animaux.
● Intervention du tiers indépendant : obligation de fournir une attestation supplémentaire
Dans le cas où le fournisseur de produits alimentaires ou de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie a choisi de faire intervenir un tiers indépendant, il doit communiquer à ce dernier la méthodologie qu’il a employée pour mesurer l’impact sur son tarif de l’évolution de prix des matières premières agricoles ou des produits transformés composés à plus de 50 % de celles-ci.
Cette communication permet au tiers indépendant de fournir une première attestation que le fournisseur doit transmettre au distributeur dans le mois qui suit l’envoi des conditions générales de vente. Une deuxième attestation portant sur la négociation commerciale devra par ailleurs toujours être transmise dans le mois qui suit la conclusion du contrat.
● Clause de révision automatique des prix : précisions sur la date de mise en œuvre
S’agissant de la clause de révision automatique des prix qui doit être intégrée dans les conventions relatives aux produits alimentaires et aux produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, le texte vient préciser que les évolutions de prix qui en résultent devront être mises en œuvre au plus tard un mois après le déclenchement de la clause.
● Droit applicable : opérateurs étrangers impactés
Les dispositions du Code de commerce relatives à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées s’appliqueront à toute convention entre un fournisseur et un acheteur dès lors que les produits ou services concernés sont commercialisés sur un territoire français. Cela vise notamment les centrales d’achat basées à l’étranger qui échappaient jusqu’ici à ces dispositions.
Muriel LE FUSTEC, avocate associé ARTLEX, spécialiste en droit commercial, droit des affaires et droit de la concurrence
Florine PRESTA, avocate collaboratrice ARTLEX, droit économique et droit commercial
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