
La Cour de cassation a rendu une décision le 7 septembre 2022 selon laquelle l’usage, de bonne foi, du nom de famille « Croizet » dans un nom de domaine, ne constitue pas une contrefaçon de la marque « CROIZET », bien que le transfert de ce nom de domaine au profit du titulaire de la marque soit ordonné.
En l’espèce, la société CROIZET est titulaire d’une marque française verbale « CROIZET », déposée en 1987 et renouvelée, pour désigner notamment des « boissons alcooliques ».
Monsieur Léopold Croizet appartient à une famille exerçant une activité de distillerie de cognac sous le nom de famille « Croizet ». Il perpétue l’activité familiale à compter des années 1970, sous l’appellation « Pierre Croizet » et réserve en 2000 le nom de domaine « croizet.com ». Il crée la société CROIZET VINS SPIRITUEUX COGNAC en 2008, devenue la société MAISON PIERRE CROIZET en 2011, puis LA MAISON DES PIERRES en 2017, après mises en demeure de la société CROIZET.
C’est dans ce contexte que la société CROIZET a assigné Monsieur Léopold Croizet et la société LA MAISON DES PIERRES, notamment en contrefaçon de marque du fait de l’usage du nom de domaine « croizet.com ». Ce litige a été porté devant le Tribunal judiciaire de Paris, la Cour d’appel de Paris puis devant la Cour de cassation suite à un pourvoi engagé par la société CROIZET.
Dans cette décision, la Cour de cassation confirme l’application de l’exception d’homonymie en cas d’exploitation, de bonne foi, d’un nom de domaine alors même que ce dernier n’est pas mentionné à l’article L. 713-6 du code de propriété intellectuelle. En effet, l’ancien version de ce texte, applicable en l’espèce, dispose que « l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme : a) dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique […] ».
Ainsi, la Cour considère que ce nom de domaine est un signe distinctif utilisé dans la vie des affaires, au même titre que la dénomination sociale, le nom commercial et l’enseigne, précisément listés à l’article L. 713-6 du code de propriété intellectuelle. Elle confirme donc la décision de la Cour d’appel sur ce point, qui a retenu l’application de cette exception d’homonymie au profit de Monsieur CROIZET et de la société LA MAISON DES PIERRES, dans la mesure où le nom de domaine « croizet.com » est utilisé de bonne foi, notamment car les internautes sont redirigés vers le site internet « pierre.croizet.com » pour éviter tout risque de confusion. Il n’y a donc pas contrefaçon de la marque « CROIZET ».
Toutefois, il est précisé à l’article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle que si cette utilisation porte atteinte aux droits du titulaire de la marque, il peut demander qu'elle soit limitée ou interdite. Sur ce fondement, le transfert du nom de domaine « croizet.com » a été ordonné au profit de la société CROIZET, dans la mesure où ce nom de domaine, sans l’ajout du prénom Pierre, peut induire les consommateurs en erreur et créer une confusion avec la marque « CROIZET ». Ainsi, même si la contrefaçon est rejetée compte tenu de l’usage du nom de domaine de bonne foi, ce nom de domaine est transféré au profit de la société CROIZET.
Nous précisons enfin que la rédaction actuelle de l’article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle, une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire « à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce de son nom de famille ou de son adresse lorsque ce tiers est une personne physique […] » et qu’elle ne lui permet pas non plus « d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, de portée locale, lorsque cet usage est antérieur à la date de la demande d'enregistrement de la marque et s'exerce dans les limites du territoire où ils sont reconnus ».
Lien vers la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046282358?isSuggest=true
Carole COUSON-WARLOP, avocate associée, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Morgane SOUFFEZ, Juriste droit de la propriété intellectuelle
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