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LE DELAI POUR AGIR EN MATIERE DE VICE CACHE EST UN DELAI DE FORCLUSION

Photo du rédacteur: ARTLEXARTLEX


Ainsi qu’exposé dans une brève précédente (https://lnkd.in/e4HaDDs5), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé par un arrêt du 8 décembre 2021 que l'action en garantie des vices cachés de l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (pourvoi n°20-21.439).


Par un second arrêt du 5 janvier 2022 (pourvoi n°20-22.670) ici commenté, la troisième chambre civile précise que le délai biennal de l’action en garantie des vices cachés de l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil est un délai de forclusion qui n’est pas susceptible de suspension mais qui peut être interrompu par une demande en justice.


En l’espèce, un couple avait vendu un immeuble en 2009. Un diagnostic de l’installation d’assainissement avait été réalisé avant la vente aux fins d’être annexé au dossier de diagnostic technique. Le 10 décembre 2012, l’acquéreur faisait réaliser un nouveau diagnostic par un second diagnostiqueur, lequel concluait à l’existence d’une installation vétuste, incomplète et polluante.


L’acquéreur a alors sollicité en référé la désignation d’un expert judiciaire, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 24 juillet 2013. L’expert judiciaire a déposé son rapport le 20 novembre 2015, soit un peu plus de deux ans après sa désignation.


Le 28 juin 2016, l’acquéreur assigne les vendeurs, le notaire et le premier diagnostiqueur en nullité de la vente pour dol et erreur sur les qualités substantielles, ainsi qu’en paiement de dommages et intérêts. En appel, il sollicitait également la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.


La Cour d’appel déclare cette dernière demande irrecevable au motif que le délai de deux ans prévu par l’article 1648 du Code civil dans lequel doit être intentée l’action résultant des vices cachés est un délai de forclusion qui n’est pas susceptible de suspension, mais qui, en application de l’article 2242 du même code, peut être interrompu par une demande en justice jusqu’à l’extinction de l’instance.


La Cour d’appel en avait conclu que le demandeur avait jusqu’au 24 juillet 2015, soit un délai de deux ans à compter de l’ordonnance de référé désignant un expert, pour assigner au fond et les a déboutés de leurs demandes.


Le pourvoi de l’acquéreur soutenait pour sa part que le délai de deux ans pour agir sur le fondement des vices cachés ne serait pas un délai de forclusion, mais un délai de prescription, de sorte que les articles 2239 et 2241 du Code civil auraient dû s’appliquer.


Pour rappel, l’article 2241 du Code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. L’article 2242 du Code civil ajoute que l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance, c’est-à-dire que le délai de prescription déjà acquis est effacé et qu’un nouveau délai de la même durée que l’ancien recommence à courir à compter du jour où l’ordonnance de référé est rendue, soit à compter du 24 juillet 2013 en l’espèce.


L’article 2239 du Code civil prévoit quant à lui que « La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ».


Selon le pourvoi, la demande en référé expertise avait donc fait courir un nouveau délai de deux ans pour agir à compter du dépôt du rapport d’expertise le 20 novembre 2015, et non à compter de l’ordonnance de référé. L’acquéreur soutenait en conséquence qu’il pouvait valablement engager son action au fond jusqu’au 20 novembre 2017, et que son assignation délivrée le 28 juin 2016 était recevable.


Dans son arrêt du 5 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et approuve la Cour d’appel d’avoir retenu que le délai pour agir en matière de vices cachés est un délai de forclusion.


Après avoir rappelé qu’en application de l’article 2220 du Code civil, les dispositions régissant la prescription extinctive ne sont pas applicables aux délais de forclusion, sauf dispositions contraires prévues par la loi, la troisième chambre civile énonce que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est donc pas applicable aux délais de forclusion.


La troisième chambre civile en conclut qu’ayant retenu que ce délai de forclusion, qui avait commencé à courir le 11 décembre 2012, avait été interrompu par l'assignation en référé du 28 mai 2013 jusqu'à l'ordonnance du 24 juillet 2013, la Cour d’appel en a exactement déduit qu'à défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans le nouveau délai qui expirait le 24 juillet 2015, l’acquéreur était forclos en son action fondée sur la garantie des vices cachés.


Il est regrettable que la Cour de cassation n’explique pas les motifs qui l’amènent à considérer que le délai biennal de l’article 1648 du Code civil doit être qualifié de délai de forclusion et non de prescription, cela d’autant plus que l’alinéa 1er de cet article ne qualifie pas ce délai.


En outre, si la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà qualifié le délai de l’action en garantie des vices cachés de délai de forclusion par le passé,[1] il faut remarquer que cette position est contradictoire avec celle que cette même chambre a adoptée dans son arrêt du 8 décembre 2021 précédemment commenté. [2] En effet, dans cet arrêt, la troisième chambre civile applique l’article 2232 du Code civil à l’action en garantie des vices cachés alors que cet article ne vise que la prescription extinctive. Soulignons également que la première chambre civile qualifie quant à elle le délai biennal de l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil de délai de prescription. [3]


En pratique, au vu des incertitudes qui pèsent sur la qualification de prescription ou de forclusion du délai pour agir en garantie des vices cachés, un acquéreur qui demande la nomination d’un expert avant tout procès aura tout intérêt à assigner au fond avant l’expiration du délai de deux ans depuis la désignation de l’expert, quand bien même celui-ci n’aurait pas encore déposé son rapport.


Roland RINALDO, avocat associé ARTLEX, droit commercial et droit économique

Simon BIENVENU, avocat collaborateur ARTLEX, droit commercial et droit économique



Cass. civ. 3e, 5 janvier 2022, pourvoi n°20-22.670

[1] Cass. civ. 3ème, 10 novembre 2016, pourvoi n°15-24.289 [2] Cass. civ. 3ème, 8 décembre 2021, pourvoi n°20-21.439 [3] Cass. civ. 1re, 20 octobre 2021, pourvoi n°20-15.070 ; Cass. civ. 1re, 25 novembre 2020, pourvoi n°19-10.824

 
 
 

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