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LA TÊTE DE RÉSEAU PEUT ÊTRE TENUE RESPONSABLE DE LA RUPTURE DE RELATIONS COMMERCIALES ÉTABLIES AVEC



Par un arrêt récent du 22 juin 2022 (pourvoi n°21-14.230), la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que la tête d’un réseau de distribution peut être tenue responsable de la rupture de relations commerciales établies avec un fournisseur si les sociétés du réseau ne disposaient pas d’une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, quant à la poursuite de leurs relations avec ceux-ci.


En l’espèce, un fournisseur de fruits et légumes, la société Esnault, approvisionnait quarante-trois magasins exerçant sous enseigne Leader Price. Sept de ces magasins étaient exploités directement par la société Leader Price Exploitation (ci-après « LPE »), la tête du réseau de distribution. Les trente-six autres étaient exploités par des tiers indépendants, notamment des concessionnaires.


L’ensemble de ces magasins ayant cessé de se fournir auprès d’elle à compter de 2011, la société Esnault a assigné la société LPE pour rupture brutale de relation commerciale établie, sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019.

La Cour d’appel de Paris rejette cette demande. [1] Elle rappelle tout d’abord qu’un groupe de sociétés, dépourvu de la personnalité morale, ne peut s'engager par contrat et ne peut donc pas constituer un partenaire commercial au sens de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce.


Elle retient ensuite, s’agissant des magasins exploités directement par la société LPE, que cette dernière ne les a acquis que postérieurement à la rupture alléguée, de sorte que la rupture de la relation commerciale établie ne saurait lui être imputée.


S’agissant des trente-six autres magasins, la Cour d’appel retient qu’ils étaient exploités, au moment de la rupture, par différentes sociétés pourvues de personnalités juridiques autonomes et distinctes de la société LPE.


La Cour d’appel relève enfin que plusieurs sociétés exploitant ces magasins sont des concessionnaires indépendants, par conséquent personnellement responsables de toute rupture brutale de relations commerciales.


Cet arrêt est cassé en toutes ses dispositions pour défaut de base légale par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 22 juin 2022,[2] au motif que :


« la circonstance que les établissements en cause aient eu une personnalité juridique distincte de celle de la société LPE n'excluait pas que celle-ci doive répondre d'une rupture des relations commerciales qu'elle leur aurait, de fait, imposée, de sorte qu'il appartenait [à la Cour d’appel] de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d'une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci ».

Rappelons qu’en application du principe d’autonomie de la personne morale, seule la partie qui entretient directement une relation commerciale établie avec l'autre partie peut rechercher la responsabilité de cette dernière dans le cas où elle aurait, brutalement et sans préavis écrit, rompu cette relation. [3]


La Cour de cassation a cependant tempéré ce principe dans un précédent arrêt du 5 juillet 2016 concernant un réseau de franchisés. [4] Dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris, approuvée par la Cour de cassation, avait en effet retenu la responsabilité d’un franchiseur pour rupture brutale de relation commerciale établie dans le cas où les filiales du franchiseur et ses franchisés n'avaient disposé d'aucune autonomie dans la décision de nouer des relations commerciales avec le prestataire puis dans celle de les rompre.


L’arrêt du 22 juin 2022 ici rapporté s’inscrit dans cette ligne. Il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi d’apprécier le degré d’autonomie des sociétés du réseau par rapport à sa tête.


Il conviendra donc pour les sociétés animant un réseaux de distribution de se montrer précautionneuses lorsqu’elles envisagent de cesser une relation commerciale avec un fournisseur ou un prestataire qui serait lié aux différentes entités du réseau. Il n’est en effet pas suffisant, pour se prémunir de toute responsabilité, que ces entités disposent d’une personnalité juridique propre.


Roland RINALDO, avocat associé ARTLEX, droit commercial et droit économique


Simon BIENVENU, avocat collaborateur ARTLEX, droit commercial et droit économique



Cass. com., 22 juin, pourvoi n°21-14.230

[1] CA Paris, 13 janvier 2021, RG n°18/18549 [2] Cass. com., 22 juin 2022, pourvoi n°21-14.230 [3] Cass. com., 18 mars 2020, pourvoi n°18-20.256 ; Cass. com., 7 octobre 2014, pourvoi n°13-20.390 [4] Cass. com., 5 juillet 2016, p juin ourvoi n°14-27.030

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