Par un arrêt en date du 13 mars 2024, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 8 février 2022 considérant qu’une cession de droit de propriété intellectuelle à titre gratuit obéit au formalisme des donations devant être passées devant un notaire.
Ce jugement avait fait grand bruit en 2022. Pour rappel, le Tribunal judiciaire de Paris avait annulé une cession de marque et modèles communautaires en considérant qu’« aux termes de l’article 931 du Code civil, tous actes portant donation entre vifs seront passées devant notaires dans la forme ordinaire des contrats, et il en restera minute, sous peine de nullité ».
La doctrine s’interrogeait sur le caractère isolé de cette jurisprudence. La Cour d’appel de Paris est venue apporter un élément de réponse, le 13 mars dernier, en approuvant le raisonnement du Tribunal judiciaire à savoir que :
Les deux dérogations au formalisme de l’article 931, à savoir les dons manuels et les donations déguisées ou indirectes, ne sont pas applicables en l’espèce puisque d’une part, il s’agit d'une cession portant sur des droits incorporels insusceptibles de remise physique et d’autre part, la donation serait explicitement mentionnée dans l’acte litigieux ;
Aucune stipulation du contrat ne prévoit une contrepartie à la charge du cessionnaire, marquant l’intention purement libérale des parties ;
Rien ne permet de retenir que l'article L. 714-1 alinéa 7 du Code de la propriété intellectuelle, qui envisage seulement la nullité de la cession de marque en l’absence d’écrit, serait une règle spéciale dérogeant à la règle d'ordre public de l'article 931 du code civil ;
L’article 902 du code civil selon lequel toutes personnes, sauf celles déclarées incapables, peuvent disposer par donation entre vifs ou par testament, n'exclut pas les personnes morales.
Néanmoins, il est intéressant de relever que la Cour d’appel s’attarde sur la validité de l’acte de cession qu’elle juge « des plus suspectes » (fausse date, signature non conforme, échanges de mails et de courriers contradictoires etc.), pouvant laisser à penser les faits de l’espèce ont influé sur la décision des juges du fond.
La prudence reste toutefois de mise lors de la conclusion de cessions de droits de propriété intellectuelle dans l’attente d’un éventuel arrêt de la Cour de cassation venant confirmer ou non cette jurisprudence.
En effet, cette jurisprudence concerne plus largement toute cession de droits de propriété intellectuelle qui serait conclue à titre gratuit (ou pour laquelle la contrepartie serait symbolique). Dans ces hypothèses, au regard de cette jurisprudence confirmée en appel, il apparaît nécessaire de se rapprocher d’un notaire pour éviter la nullité.
Nous restons à votre disposition pour vous accompagner dans la conclusion de vos contrats de cession d’actifs immatériels.
Pour retrouver notre article sur le jugement du 8 février 2022 du Tribunal judiciaire de Paris : https://www.artlex.fr/post/cessions-de-droits-de-propri%C3%A9t%C3%A9-intellectuelle-%C3%A0-titre-gratuit-doivent-%C3%AAtre-pass%C3%A9es-devant-notaire
Carole COUSON-WARLOP, avocate associée, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Fanny VIGIER, avocate collaboratrice
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