Les actes de concurrence déloyale génèrent nécessairement un préjudice même en l’absence de preuve par la victime d’une perte de clientèle ou de chiffre d’affaires.
Par un arrêt du 17 mars 2021 (pourvoi n°19-10.414), la chambre commerciale de la Cour de cassation considère que même en l’absence de preuve d’une perte de clientèle ou de chiffre d’affaires, il découle nécessairement d’actes de parasitisme un préjudice qui peut n’être que moral.
Le parasitisme est défini comme tout comportement par lequel un opérateur économique se place dans le sillage d’un autre opérateur pour tirer profit des investissements qu’il a réalisé. Il s’agit d’une forme de concurrence déloyale qui relève, à ce titre, de la responsabilité délictuelle au sens de l’article 1240 (anciennement 1382) du code civil qui dispose, rappelons-le, que : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
En application des règles classiques de la responsabilité délictuelle, l’auteur d’actes de concurrence déloyale ne peut être condamné à des dommages-intérêts que si la victime parvient à démonter un préjudice et un lien de causalité de ce préjudice avec la faute de concurrence déloyale.
Pour s’exonérer de toute responsabilité, les auteurs d’acte de concurrence déloyale opposent fréquemment que la victime ne rapporte pas la preuve d’une perte de chiffre d’affaires en lien avec l’acte de concurrence déloyale considéré ou encore allèguent que les agissements illicites ayant été de courte durée ne sont pas susceptibles d’avoir eu un impact sur les clients ou prospects.
Dans son arrêt du 17 mars dernier, la Cour de cassation balaie ces deux moyens de défense et souligne que tout acte de concurrence déloyale cause nécessairement un préjudice à la victime.
En l’espèce, une société ayant pour activité la vente en ligne de saunas et de spas, améliorait son référencement sur Internet en reprenant à l’identique sur son site les descriptifs techniques et contenus intitulés « l’avis du spécialiste » mis en ligne sur le site de l’un de ses concurrents.
Pour rejeter la demande d’indemnisation présentée par le concurrent imité, la Cour d’appel de Versailles a considéré que « tout préjudice en matière de concurrence déloyale se caractérise généralement par une perte de clientèle ou par une perte de chiffre d’affaires imputable au parasite », excluant ainsi toute réparation faute de preuve d’une telle perte de clientèle par la victime.
La Cour d’appel a également motivé sa décision par le fait que les contenus litigieux avaient été retirés par le « parasite » dans un délai assez bref (moins de deux mois après leur mise en ligne) et qu’il n’était pas démontré par la victime que le parasite avait réalisé des ventes grâce aux contenus litigieux.
La Cour de cassation casse cet arrêt au motif qu’« en statuant ainsi, alors que, le parasitisme économique consistant à s’immiscer dans le sillage d’autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de tels actes, même limités dans le temps, la cour d’appel a violé le texte susvisé [article 1240 du code civil] » (nous soulignons)
La Cour de cassation affirme donc de façon claire qu’en matière de concurrence déloyale, ne sont pas de nature à priver la victime de son droit à indemnisation, ne serait-ce que sur le fondement du préjudice moral :
- L’absence de preuve d’une perte de clientèle ou de chiffre d’affaires ;
- Le caractère bref ou unique des actes de concurrence déloyale.
Roland RINALDO, avocat associé ARTLEX, droit commercial et droit économique Alixia TRAINEAU, stagiaire élève-avocate ARTLEX
Comments