Par un jugement du 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné l’auteur de six avis dénigrants, publiés sur la fiche Google My Business de la société Raimondi Immobilier, à verser 3.000 euros de dommages et intérêts.
Dans cette affaire, six avis négatifs ont été laissés sur la fiche Google My Business de la société Raimondi Immobilier depuis différents comptes.
La société Raimondi Immobilier a sollicité sur requête, de l’hébergeur et des fournisseurs d’accès Internet (notamment les sociétés Google Ireland Limited, Transatel et Orange), la communication des données d’identification de l’auteur des avis litigieux.
Les données communiquées ayant permis d’identifier l’auteur des propos, la société Raimondi Immobilier l’a donc assigné au fond devant le Tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l’article 1240 du Code civil pour avoir commis des actes de dénigrement à son encontre. Il est à noter que les propos litigieux ont été supprimés par leur auteur.
Dans son jugement, le Tribunal judiciaire rappelle, tout d’abord, que la divulgation de propos de nature à jeter le discrédit sur les produits ou services d’une personne physique ou morale peut constituer un dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Une telle divulgation ne relève, en effet, pas de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elle ne concerne pas une personne physique ou morale.
Le Tribunal précise que la responsabilité de l’auteur des propos doit s’apprécier strictement dans la mesure où il s’agit d’une restriction à la liberté d’expression. Ainsi, lorsque les propos se rapportent à un sujet d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, ceux-ci relèvent de la liberté d’expression, incluant le droit de libre critique, sous réserve des limites admissibles de la liberté d’expression.
En l’espèce, le Tribunal considère que les six avis litigieux expriment une critique sévère et sans nuance de la qualité des services proposés par la société Raimondi Immobilier, remettant en cause le résultat et les conditions de réalisation de ses prestations de services.
Les magistrats relèvent en outre le caractère mensonger de ces avis, dès lors que leur auteur n’avait jamais eu recours aux services de la société Raimondi Immobilier. Les avis étaient justifiés par un conflit personnel entre leur auteur et le Président de la société Raimondi Immobilier.
En conséquence, le Tribunal considère que ces avis ne reposent sur aucune base factuelle et sont constitutifs d’actes de dénigrement, au sens de l’article 1240 du Code civil.
En outre, le Tribunal rappelle que tout acte de dénigrement occasionne, à celui qui en est l’objet, un préjudice moral ouvrant droit à réparation.
En l’espèce, les magistrats relèvent que les six avis litigieux représentent près d’un quart du total des avis sur la fiche Google My Business de la société Raimondi Immobilier et sont restés en ligne près de sept mois.
Le Tribunal souligne également que les données statistiques de fréquentation du site Internet de la société Raimondi Immobilier révèlent qu’entre la période écoulée après la publication des avis litigieux et celle après leur suppression, le trafic sur le site s’est largement intensifié et les « demandes de contact » ont presque doublé. Selon les magistrats, la publication des avis dénigrants peut expliquer le caractère notable de ces évolutions, même s’il n’est pas établi qu’ils en constituent la justification exclusive.
En conséquence, le Tribunal condamne l’auteur des avis dénigrants à verser 3.000 euros à la société Raimondi Immobilier en réparation de son préjudice moral.
Cette décision témoigne que la suppression des avis dénigrants n’exclue pas une condamnation à des dommages et intérêts.
Tribunal judiciaire de Paris, 22 juin 2022
Carole COUSON-WARLOP, avocate associée, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Juliette BACHELARD, avocate collaboratrice
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