Par un jugement du 8 février 2022 (n°19/14142), le Tribunal judiciaire de Paris soumet les cessions de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit au formalisme des donations qui doivent être passées devant notaire sous peine de nullité conformément à l’article 931 du Code civil.
En l’espèce, deux personnes physiques ont conçu des antennes permettant la réception de données de balises placées dans des colliers pour chiens, et ont conjointement déposé une marque de l’Union européenne, ainsi que des modèles communautaires pour les commercialiser.
Ces produits étaient commercialisés par deux sociétés dont ils étaient tous les deux associés. L’un des associés a quitté le capital de la première société, et la deuxième société a été liquidée. L’autre associé a créé une nouvelle société à qui il a cédé les droits sur la marque et les modèles, sans aucune contrepartie financière, et sans l’autorisation du co-titulaire des droits.
Le co-titulaire des droits cédés par son ancien associé a assigné ce dernier et la société bénéficiaire de la cession en nullité du contrat de cession, considérant notamment que ce contrat conclut à titre gratuit n’avait pas fait l’objet des formalités nécessaires propres aux donations.
Le Tribunal judiciaire de Paris se fonde sur les dispositions du Code civil relatives aux donations pour annuler la cession de la marque et des modèles communautaires en considérant qu’« aux termes de l’article 931 du Code civil, tous actes portant donation entre vifs seront passées devant notaires dans la forme ordinaire des contrats, et il en restera minute, sous peine de nullité ».
Le Tribunal ajoute que « le code de la propriété intellectuelle ne déroge pas à cette condition formelle des donations, et prévoit seulement, s’agissant des marques, que le transfert de leur propriété doit être constaté par écrit ».
Les seules dérogations au formalisme de l’article 931 du Code civil sont les dons manuels, qui se caractérisent par la remise physique de la chose donnée, et les donations déguisées ou indirectes, dont les conditions de forme suivent celles de l’acte dont elles empruntent l’apparence.
Pour le Tribunal, le contrat de cession emportait un transfert de propriété de la marque et des modèles à titre gratuit, s’agissant ainsi d’une « donation non dissimulée et portant sur des droits incorporels, comme tels insusceptible de remise physique ». Le Tribunal annule le contrat de cession conclu par un acte sous seing privé et non devant un notaire.
Ainsi, une cession de droit de propriété intellectuelle à titre gratuit constitue une donation au sens de l’article 931 du Code civil et doit être passée devant notaire pour ne pas être entachée de nullité.
La solution retenue par le Tribunal judiciaire de Paris, qui pourrait être frappée d’appel, est valable pour l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, marque, dessins et modèles, brevet).
Une vigilance particulière devra donc être accordée à la fixation du prix de cession en s’interrogeant sur la valorisation des actifs de propriété intellectuelle cédés, et pose à cet égard la question de la validité des cessions de droits concédées à un prix symbolique.
Pour lire l'intégralité de la décision vous pouvez cliquer sur le lien suivant : Tribunal judiciaire de Paris, 8 février 2022, n°19/14142 M. B.A. / SARL Akis Technology et M. Y D’Z
Carole COUSON-WARLOP, avocate associée, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle Alixia TRAINEAU, avocate collaboratrice
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