Par une décision en date du 19 juillet 2016 publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne du 6 avril 2017, la Commission a révélé l’existence d’une entente entre les principaux constructeurs de camion de poids moyens et lourds concernant notamment leurs prix de vente. Les préjudices subis par les clients sont importants. Une action en dommages-intérêts est possible mais risque d’être bientôt éteinte en raison de la prescription.
Dans un communiqué du 19 juillet 2016, la Commission Européenne a révélé au public que les principaux constructeurs mondiaux de camions de poids moyens (entre 6 et 16 tonnes) et lourds (plus de 16 tonnes) qui sont MAN, Volvo/Renault Trucks, Daimler, Iveco, DAF et Scania ont pendant près de pendant 14 ans pris part à une entente désormais connue sous l’appellation « Cartel des camions ».
A l’exception de Scania qui a contesté sa participation à cette entente, les autres constructeurs ont reconnu dans le cadre d’un accord transactionnel passé avec la Commission Européenne s’être coordonnés entre le 17 janvier 1997 et le 18 janvier 2011 notamment au sujet des prix de vente des camions et sur la possibilité de répercuter sur les acheteurs les coûts de mise en conformité avec les règles plus strictes en matière d’émissions (Euro 3 jusqu’à Euro 6) susceptibles de réduire la consommation de carburant de ces véhicules.
Pour sanctionner ces pratiques anti-concurrentielles, la Commission Européenne a infligé à Volvo/Renault Trucks, Daimler, Iveco et DAF une amende substantielle de près de 2,93 milliards d’euros. MAN qui a été le premier à dénoncer l’entente a été, à ce titre, exempté d’amende. Scania a quant à elle reçu une amende de 880 millions d’euros le 27 septembre 2017.
La Commission Européenne a précisé dans son communiqué de juillet 2016 que les amendes infligées ne font pas obstacle au droit de toute personne lésée de réclamer des dommages-intérêts aux constructeurs-membres du cartel. Sont donc concernés MAN qui a pourtant été exempté d’amende et Scania même si sa participation au cartel est contestée.
En parallèle, la Commission Européenne a favorisé l’adoption d’une directive 2014/104/UE sur les actions en dommages et intérêts dans des affaires d'ententes et d'abus de position dominante. En matière d’entente, les victimes bénéficient ainsi d’une présomption de préjudice de nature à faciliter l’obtention de dommages-intérêts.
L’estimation précise et contradictoire du montant du préjudice subi pourra, quant à elle, être faite par un expert judiciaire, les frais d’expertise étant alors à la charge des constructeurs.
Depuis 2016, de nombreuses procédures en dommages-intérêts contre les membres du cartel ont été initiées en Europe (Pays-Bas, Allemagne, Espagne et France notamment) par des professionnels ayant acheté, pris en crédit-bail ou seulement loués des camions de plus de 6 tonnes.
La presse spécialisée s’est récemment fait l’écho de plusieurs décisions rendues en Espagne notamment :
- par un Tribunal de Murcie ayant condamné Renault Trucks et accordé à une petite entreprise de transport 128.750 euros de dommages-intérêts pour l’achat de 5 camions, ce qui correspond à 26 % du prix d’achat des camions.
- par un Tribunal de Valence ayant condamné MAN à verser à un petit transporteur indépendant 34. 528,68 euros, ce qui correspond à 16,35 % du prix d’achat du camion.
A notre connaissance, il n’y a pas encore eu de décisions françaises prononçant de condamnations. Mais, plusieurs groupes français auraient déjà obtenu des indemnisations dans le cadre d’accords négociés avec les constructeurs.
Les syndicats professionnels évoquent une indemnisation pouvant aller jusqu’à 7.000 euros par véhicule concerné.
En France, en vertu de l’article 2224 du Code civil, la prescription d’une action judiciaire en dommages-intérêts est désormais de : « cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Il est peut-être discutable de considérer que les victimes avaient connaissance ou auraient dû connaître sur la seule base du communiqué de la Commission Européenne de juillet 2016 leur droit pour agir contre les constructeurs alors que la décision de la Commission Européenne n’a elle été publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne que le 6 avril 2017 (2017/C 108/05). Or, en principe, c’est la date de publication au Journal Officiel qui détermine l’opposabilité à tous d’une décision de la Commission Européenne.
Cependant, pour éviter le débat sur l’opposabilité du communiqué de presse de la Commission Européenne que ne manqueront pas de soulever les constructeurs et ne pas prendre le risque de perdre une chance de réparation financière importante, il convient par prudence d’agir en dommages-intérêts contre les constructeurs pour le 19 juillet 2021 au plus tard.
Si vous êtes concernés, il vous reste donc un peu plus d’un mois pour faire valoir vos droits et agir en dommages-intérêts contre les constructeurs concernés.
Notre Cabinet peut vous assister dans l’analyse et la préparation de votre réclamation ainsi que la mise en œuvre d’une action en justice pour faire valoir vos droits en justice.
Vos interlocuteurs privilégiés sur ce sujet sont Muriel Le Fustec et Roland Rinaldo, tous deux associés de notre équipe droit commercial, droit économique, propriété intellectuelle et numérique.
Muriel LE FUSTEC, avocat associé ARTLEX, droit commercial et droit économique
Roland RINALDO, avocat associé ARTLEX, droit commercial et droit économique
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