La Cour d’appel de Rennes rappelle dans une décision du 25 mai 2022 (n°2022/813) que pour être protégées par le droit d’auteur, des photographies doivent nécessairement être originales. La Cour profite de cette décision pour rappeler de nombreux principes applicables en matière d’originalité avant de les appliquer strictement.
En l’espèce, un photographe a saisi le Tribunal correctionnel de Rennes par citation directe, estimant qu’une mairie a porté atteinte à son droit moral, et plus particulièrement à son droit au nom et à l’intégrité des œuvres. La mairie exploitait ses photographies sur le site Internet de la ville sans le nom du photographe et en ayant modifié certaines photographies (une partie des photographies avait été recadrée et les couleurs modifiées).
L’action étant fondée sur une atteinte au droit moral de l’auteur, les photographies doivent nécessairement être originales pour être protégées par le droit d’auteur. La Cour profite de cette décision pour rappeler de nombreux principes applicables en droit d’auteur et plus particulièrement en matière d’originalité.
Elle rappelle notamment qu’une photographie est « considérée comme originale si elle est une création intellectuelle de l’auteur qui reflète sa personnalité, sans que d’autres critères, tels que la valeur ou la destination, ne soit prise en compte […] Il est nécessaire que l’auteur ait exprimé ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs ». L’originalité d’une photographie « pourra apparaître par le choix de la pose du sujet, par angle de prise de vue et l’éclairage, de la position, de l’expression des couleurs, ou la singularité de la mise en scène créée par le choix du lieu et des accessoires qui, librement opérés, traduisent, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie une démarche propre à son auteur qui porte l’empreinte de la personnalité de celui-ci ».
Elle rappelle enfin que la preuve de l’originalité des photographies doit être rapportée par le photographe.
En l’espèce, le photographe affirme notamment avoir choisi le meilleur emplacement pour réaliser les photographies, les objectifs les plus appropriés et que les photographies n’ont jamais été réalisées avec un flash ou en rafale, ce qui augmenterait la difficulté d’un bon résultat.
Or, la Cour applique strictement les principes rappelés pour refuser la protection par le droit d’auteur des photographies litigieuses. S’agissant d’un concours de jumping et des cavaliers, elle estime notamment que l’angle de vue des photographies « est assez commun » puisqu’il « peut se retrouver dans n’importe quel reportage photographique de concours équestre », que le photographe n’avait pas toute latitude pour choisir sa prise de vue et son positionnement compte tenu de l’activité photographiée, qu’il n’y a pas de mise en scène du photographe puisqu’il ne fait que suivre le déroulé des événements, et que les poses et expressions des cavaliers sont communes.
S’agissant des photographies du festival de musique, la Cour refuse également leur protection par le droit d’auteur en considérant que « l’angle de vue de ces photographies ne relève en rien d’un parti pris de l’auteur laissant transparaître la personnalité de l’auteur de l’œuvre ». Le photographe n’a pas choisi lui-même le cadre des photographies mais s’est plié aux contraintes de l’événement.
Ainsi, le photographe n’ayant pas rapporté la difficile preuve de l’originalité de ses photographies, elles ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur et l’atteinte à son droit moral ne peut donc pas être établie.
Carole COUSON-WARLOP, avocate associée, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Morgane SOUFFEZ, Juriste droit de la propriété intellectuelle
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