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Serrer des mains

ACTUALITES

23-11-2018

 

Nullité d’une cession intervenue en violation d’un pacte d’associés :

Par une décision en date du 27 juin 2018 (pourvoi n°16-14.097), la Chambre commerciale de la Cour de cassation semble renforcer l’efficacité et la force obligatoire des pactes d’associés en prononçant la nullité d’une cession d’actions intervenue en violation d’un tel pacte. 

En l’espèce, les associés d’une SAS avaient conclu, en présence de cette dernière, un pacte d’associés pour une durée de dix ans.

Ce pacte contenait notamment une promesse de cession des actions de la SAS consentie par certains

associés en cas de cessation de leurs fonctions salariées. Il stipulait également une incessibilité des titres objets de la promesse durant toute sa durée. 

En outre, les statuts de la SAS comportaient une clause sanctionnant de nullité les cessions d’actions contrevenant aux stipulations du pacte d’associés.

Près de quatre années après la conclusion du pacte, l’un des associés (promettant aux termes du pacte) a cédé une partie de ses titres à des tiers. 

Le dirigeant de la SAS a alors refusé d’enregistrer les ordres de mouvement y afférents au motif que les cessions contrevenaient aux stipulations du pacte d’associés.

Face à ce refus, l’associé cédant a assigné la SAS aux fins de la condamner à passer les écritures relatives auxdites cessions au sein des comptes individuels d’actionnaires.

Les juges de première instance et la Cour d’appel ont alors fait droit à cette demande. 

Selon la Cour d’appel, le cédant avait résilié la promesse de vente prévue dans le pacte d’associés avant la réalisation des cessions et avant toute levée d’option par les bénéficiaires. En outre, aucune disposition du pacte d’associés ou des statuts de la société ne prévoyait la sanction applicable en cas de résiliation anticipée de la promesse, à la supposer fautive, de sorte qu’il n’était pas établi que les parties aient souhaité déroger aux dispositions de l’article 1142 ancien du Code civil ("toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur").

Toutefois, la Chambre commerciale casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 ancien du Code civil ("Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, (…)") au motif qu’en application des stipulations statutaires de la SAS, "la révocation unilatérale de la promesse et, par suite, la cession litigieuse constituaient une violation du pacte d’associés entraînant la nullité de la cession" au profit des tiers.

Les magistrats de la Cour de cassation ont en effet considéré que le pacte ne pouvait faire l’objet d’une résiliation unilatérale par le cédant dans la mesure où il avait été conclu pour une durée déterminée. 

En conséquence de la résiliation irrégulière du pacte et a fortioride la promesse, la Chambre commerciale a fait application des stipulations statutaires aux fins de prononcer la nullité de la cession intervenue en violation du pacte. 

Cette solution apparaît ainsi conforme à l’article L. 227-15 du Code de commerce (lequel n’est toutefois pas visé par la Cour de cassation), qui dispose que "Toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle" et semble dès lors conforter la pratique consistant à introduire au sein des statuts une référence au pacte d’associés afin de conférer à ce dernier une efficacité supérieure à celle d’un simple contrat.

Bien que cet arrêt doive être salué en ce qu’il vient renforcer l’efficacité des actes extrastatutaires, nous devons toutefois nous interroger sur sa portée, notamment à la lumière des nouvelles dispositions du Code civil (non applicables au moment du litige).

En particulier, l’articulation de cette solution avec le nouvel article 1124 alinéa 3 du Code civil peut questionner. Pour mémoire, cet article dispose que "le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul.". 

En l’espèce, la Chambre commerciale ne fait nullement référence à la connaissance ou non par le tiers de l’existence de la promesse contenue dans le pacte d’associés pour envisager la nullité de la cession. 

En s’abstenant d’aborder ce point, la Cour de cassation a peut-être considéré que la mauvaise foi du tiers ne faisait pas de doute en l’espèce. 

Ou alors, peut-être a-t-elle considéré que l’article L. 227-15 du Code de commerce devait prévaloir sur l’article 1124 du Code civil (les lois spéciales dérogeant aux lois générales), le premier de ces textes ne prenant nullement en compte la bonne foi du tiers pour atténuer la sanction de la violation des dispositions statutaires. 

Cet arrêt de Cour de cassation ne faisant l’objet d’aucune publication au bulletin de la Cour de Cassation et n’apparaissant pas sur le site Légifrance, nous ne pouvons qu’appeler la Haute Juridiction à confirmer cette solution qui était attendue par les praticiens mais qui soulève encore certaines interrogations.

 

Fabrice Ségurel, avocat, Cabinet ARTLEX, Nantes
Marine Baron, avocate, Cabinet ARTLEX, Nantes

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