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ACTUALITES

23-05-2018

 

La responsabilité personnelle des dirigeants sociaux devant les juridictions pénales n’est pas conditionnée à la preuve d’une faute séparable des fonctions 

 

La notion de faute séparable des fonctions permet à un tiers, qu’il soit co-contractant ou associé de la société, d’engager la responsabilité personnelle d’un dirigeant ou mandataire social pour obtenir la réparation d’agissements fautifs au sein de la société.

Depuis un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation de 2003, il est admis que la responsabilité personnelle d’un mandataire social ne peut être engagée que lorsqu’il « commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales » (Cass. com., 20 mai 2003, pourvoi n°99-17.092). Tenant compte de ces critères stricts, la notion de faute séparable constitue un garde-fou contre la mise en cause de la responsabilité civile personnelle des mandataires sociaux.

A cet égard, il est traditionnellement admis que constitue une faute séparable de nature à engager la responsabilité personnelle civile du mandataire social une infraction pénale intentionnelle.

Dans un arrêt du 5 avril 2018 (Cass. crim., 5 avril 2018, pourvoi n°16-87.669), la Chambre criminelle de la Cour de cassation semble abandonner l’exigence de caractériser une faute séparable des fonctions sociales pour retenir la responsabilité personnelle d’un dirigeant devant les juridictions pénales.

Au cas d’espèce, une société a revendu trois véhicules sans avoir au préalable réglé le prix au vendeur initial en violation d’une clause de réserve de propriété. Le vendeur a soutenu que la société et son dirigeant devaient être condamnés pour abus de confiance devant le Juge pénal. Ils ont été relaxés au pénal. Sur le plan des intérêts civils, le dirigeant a tout de même été condamné à indemniser le propriétaire des véhicules. Dans le pourvoi en cassation, le dirigeant contestait sa condamnation civile à des dommages-intérêts au motif que les Juges auraient dû démontrer en quoi il avait commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions de dirigeant.

La chambre criminelle rejette le pourvoi du dirigeant de la façon suivante : « le grief tiré du défaut d'établissement d'une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales constituant une faute séparable des fonctions de dirigeant social est inopérant, les juges n'ayant pas à s'expliquer sur l'existence d'une telle faute pour caractériser une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ».

La solution de la Chambre criminelle est très favorable à la victime dès lors que cette dernière peut désormais engager la responsabilité civile personnelle du dirigeant devant les juridictions pénales sans que soit caractérisée une faute séparable et ce, alors même que les conditions de la responsabilité pénale ne sont pas réunies !

 

 

Roland Rinaldo, avocat, Cabinet ARTLEX Nantes

Jean Orieux, avocat-stagiaire, Cabinet ARTLEX Nantes

 

arrêt du 5 avril 2018 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, pourvoi n°16-87.669, arrêt du 20 mai 2003 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, pourvoi n°99-17.092, faute pénale intentionnelle, faute séparable des fonctions sociales, responsabilité civile personnelle des dirigeants et mandataires sociaux

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