28-03-2018
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23-03-2018
La clause limitative de responsabilité survit à l’annulation du contrat
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ACTUALITES
09-01-2018
Un prélèvement social de 65 % sur les plus-values des dirigeants ?
L'administration fiscale se montre traditionnellement hostile à l'investissement des dirigeants au sein du capital des sociétés qu'ils dirigent dès lors que cet investissement ne s'inscrit pas dans un régime réglementé proposé par le législateur.
Elle tente le plus souvent, sans être toujours suivie par les tribunaux, de requalifier la plus-value en rémunération plus fortement imposée au taux progressif de l'impôt sur le revenu.
Au cours de ces dernières années, les décisions juridictionnelles et les positions de l’administration fiscale ont permis une meilleure appréhension du risque fiscal de requalification des gains perçus par les dirigeants.
En revanche, en pratique, le risque social afférent à une requalification de ces gains en rémunération semblait plus modéré.
Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris en date du 6 juillet 2017 pourrait conduire à reconsidérer cette position[1].
En l’espèce, dans le cadre d’une reprise en LBO, six dirigeants avaient investi aux côtés du fonds d’investissement, en souscrivant des bons de souscription d’actions (BSA) émis par la société, pour un montant global de 900.000 euros, BSA permettant à leur titulaire de souscrire des actions de la société de reprise.
Lors de la sortie du LBO, les dirigeants ont réalisé au titre de ces BSA une plus-value de cession de l'ordre de 2,7 millions d'euros.
A l’issue d’un contrôle diligenté par l’Urssaf auprès de la société ayant émis les BSA, cette plus-value de cession a été réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales.
Après avoir contesté en vain ce redressement devant la commission de recours amiable de l’Urssaf et devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la société a interjeté appel devant la Cour d’appel de Paris aux fins que cette dernière détermine si la souscription de BSA constituait (a) un avantage accordé en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, soumis à cotisations sociales salariales et patronales sur le fondement de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ou (b) un simple investissement financier.
Dans une solution inédite, les magistrats parisiens ont :
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1. estimé que le caractère d’avantage se déduit "incontestablement" du "nombre réduit de personnes" pouvant souscrire à l’augmentation de capital,
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2. jugé que cet avantage "ne se matérialise et ne se quantifie qu’au moment de la cession, par la différence entre le prix d’achat et le prix de vente",
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3. constaté qu’aux termes du contrat d’investissement, l’avantage octroyé aux dirigeants de la société l’était en considération de leurs mandats sociaux, les promesses de ventes consenties prévoyaient notamment la vente "de la totalité de ses BSA en cas de départ du dirigeant concerné".
[1] CA Paris, Pôle 6, 12ème Ch., 06/07/2017, n° 14/02741
Elle en déduit dès lors que l’existence d’un avantage réservé aux dirigeants ou salariés entrant dans le champ d’application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale[1], et soumet l’intégralité des plus-values réalisées lors de la cession des BSA à cotisations sociales.
La solution est toutefois critiquable, notamment dans ses fondements.
En premier lieu, on ne suivra pas le raisonnement de la Cour d'appel aux termes duquel le nombre réduit de bénéficiaires suffit pour qualifier l'émission de BSA d'un avantage au sens du Code de la sécurité sociale.
La Cour nous aurait semblé mieux inspirée de rechercher si la souscription aux BSA avait été réalisée à des conditions de valorisation justifiées et cohérentes, ou au contraire à des conditions préférentielles.
Ce n’est que dans l’hypothèse où les modalités d’attribution des BSA auraient été préférentielles (indépendamment du nombre de bénéficiaires) qu’un avantage aurait dû être qualifié. Auquel cas l’avantage devrait en toute logique être égale à la différence entre la valeur réelle du BSA et son prix de d'émission. Il ne devrait pas être déterminé par référence la plus-value de cession (qui peut traduire une augmentation de la valeur du BSA après émission).
En second lieu, l’éventuel avantage ne devrait pas être apprécié à la date de cession des BSA (ou des valeurs mobilières souscrites par l'exercice du BSA) mais au jour de la souscription des BSA. En effet, le fait générateur des cotisations sociales doit correspondre au jour de l’attribution de l’avantage, soit la date d’émission des BSA, et non à la date de la cession qui peut intervenir de nombreuses années après.
Un pourvoi a été formé à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et on attendra donc avec intérêt la position de la Cour de cassation.
L'arrêt de la Cour d'appel de Paris confirme toutefois la nécessité de bâtir avec rigueur et prudence les schémas d'intéressement des dirigeants et notamment les "management packages".
Fabrice Segurel
Avocat Artlex Nantes
[2]Article L. 242-1 alinéa 1er Code de la sécurité sociale : "Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d'activité sont attribués, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire (…)".